L’ylang ylang, la fleur des fleurs balinaises

Fleurs de couleurs et canang sari

Sur la route des parfums d’Asie, j’effectue une nouvelle escale en Indonésie à la découverte de Bali. Cette petite ile prisée de l’archipel indonésien regorge d’une diversité de fleurs et de plantes considérable. Les balinais vouent une importance unique aux fleurs, elles rythment et parfument leur quotidien ; mais celle qui fait sans doute l’unanimité pour les balinais c’est le ‘Sandat’ connu plus communément sous le nom d’ylang ylang. Ingrédient phare de la parfumerie pour son odeur suave et exotique, je pars en ce début d’octobre à la découverte de cette petite fleur parfumée aux allures d’étoile solaire.

L’ylang ylang (cananga odorata) est un arbre issu de la famille des Annonacées originaire d’Asie du sud est. Taillé à 2-3 mètres de haut en culture il peut atteindre 30 mètres dans son milieu naturel d’origine. Ses fleurs, en forme de grandes étoiles à l’apparence échevelées, s’épanouissent sous une couleur verdâtre tendre pour atteindre le jaune vif à maturité. La floraison s’étale sur toute l’année mais c’est durant la période chaude et humide qu’elle est la plus abondante.

Alors que la mousson vient tout juste de commencer, je pose mes valises à Ubud, petite ville animée du centre de l’ile. Dès mon arrivée, je ne suis pas déçue, les fleurs sont omniprésentes, toutes les variétés se mêlent, se confondent et colorent le paysage. Je m’aperçois que l’ylang ylang orne tous les jardins et je perçois l’odeur pénétrante et épicée de ces fleurs à chaque carrefour.

Dès les premiers instants, mon attention se porte sur de petits paniers en feuilles de palmier, déposés à même le sol, comportant une harmonie de fleurs colorées dont le fameux ylang. Ce sont des Canang Sari, des offrandes effectuées traditionnellement chaque jour dans chaque famille. Ils ornent les rues et c’est un exercice permanent que d’éviter de les piétiner tant ils imposent inévitablement le respect. Déposées sur le sol devant les maisons et sur les autels, pour honorer les dieux et chasser les mauvais esprits, on peut parfois les voir s’empiler par centaines devant les temples ou les arbres sacrés.

Chaque matin, j’ai pu observer le rituel des femmes balinaises déposant ces petits paniers garnis de fleurs et de nourriture, les voir allumer un bâton d’encens et asperger le tout de quelques gouttes d’eau sacrée, des gestes qui seront renouvelés le lendemain et les jours suivants.

La fleur d’ylang ylang est l’une des fleurs utilisées pour orner les offrandes et il s’agit même de sa principale utilisation par les balinais. La petite fleur étoilée mélange sa couleur blafarde au jaune du frangipanier, à l’orange de l’œillet d’inde ou encore au violet du bougainvillier. Discrète de part sa couleur c’est souvent son parfum qui se veut le plus prononcé.

Si vous piétinez un Canang Sari, ne vous formalisez pas, seul l’acte de déposer l’offrande compte, ce qu’il en advient ensuite n’a plus d’importance et ils seront de toute façon remplacés le matin suivant. Emportés par le vent, on retrouve souvent ces créations éphémères empilées dans les caniveaux, se mélangeant aux déchets et détritus pour finalement être brulées. Une odeur de fumée que l’on respire communément à Bali et qui viendra se mélanger aux fleurs fraîches tout juste écloses qui orneront les prochaines compositions.

Alors que le soleil est au plus haut de son ascension, je pars sillonner les marchés des environs. C’est alors que j’ai véritablement pris conscience de l’importance des fleurs dans la vie des balinais. Les femmes balinaises passent plus de la moitié de leur vie à effectuer des offrandes et ce dès l’âge de six ans; les fleurs étant l’élément principal de leurs confections, elles représentent véritablement un besoin journalier. Je rencontre Made, prononcé Madé, elle vend ici les fleurs cueillies dans son jardin ainsi que des Canang Sari qu’elle réalise devant mes yeux. Je ne saurais vous décrire la grâce et la dextérité dont elle fait preuve. Je suis attirée par le panier d’ylang ylang qui lui fait face, elle me confie qu’elle récolte les fleurs à l’aube jusqu’à 7h du matin afin de conserver la subtilité de leur parfum. Elle a plusieurs arbres autour de sa maison et chacun produit en moyenne 5kg de fleurs par an.

Ylang ylang signifie en indonésien la ‘fleur des fleurs’, et pour cause elle représente la fleur d’une vie. Son parfum sensuel et voluptueux qui de tout temps a symbolisé l’amour et les liens du mariage, est associé à de nombreux rites et rituels indonésiens dont celui pour le moins important de l’union amoureuse. Les fleurs jaunes odorantes ornent traditionnellement les cheveux de la mariée et sont parsemées sur le lit nuptial.

Plus tard, à l’hôtel où je me suis arrêtée, je croise le chemin de Dewa, un balinais qui à ses heures libres propose des visites de l’ile. Sa figure aux traits fins rappelle étrangement ceux de l’Asie centrale, un radieux sourire bombe ses joues. Je lui fais part de mon intérêt pour le sandat, il semble surpris mais en même temps ravi de mon engouement pour cette fleur si importante dans la culture balinaise. Il propose de m’emmener au pied d’un sandat, un ‘grand de plus de 30 mètres’ me dit-il rien à voir avec les petits que l’on peut voir dans les jardins.

Nous partons en direction de Tampaksiring et de son temple Tirta Empul ou Holy Spring Water Temple, réputé pour sa source et ses bassins d’eau sacrée, il s’agit d’un haut lieu de purification pour les balinais. L’air du temple est embaumé de senteurs douces et apaisantes d’encens. Nous croisons des hommes et des femmes dans leurs habits de cérémonie. Toujours très élégantes les femmes balinaises ornent leur tenue de dentelle et affinent leur taille d’une ceinture de soie. Elles occupent leurs doigts agiles à sculpter les feuilles de palmier tandis que leurs lèvres se plaisent à commenter un quotidien calme et serein. Les hommes quant à eux s’enroulent dans leur sarong en batik coloré et portent sur la tête le traditionnel udeng. Les fleurs sont encore mises à l’honneur, portées derrière les oreilles ou ornant les coiffures, elles parent les chevelures noires de jais de leurs couleurs vives et brillantes.

Dès l’entrée du temple se dresse effectivement un somptueux sandat. Malgré la distance qui nous sépare de la cime, nous parvenons à identifier quelques petites fleurs jaunes. Les joues rehaussées par un sourire figé, je m’imprègne de cette vision insoupçonnée. Notre enthousiasme suscite la curiosité d’un homme se trouvant là, il me propose de monter au sommet pour y cueillir quelques fleurs. Je refuse poliment prenant conscience de la montée nécessaire mais le voilà déjà escaladant, pieds et mains nus, cet arbre haut de plus de vingt mètres… Heureusement l’humidité de la pluie tombée dans la matinée stoppera son ascension à une hauteur jugée raisonnable.

Ce sont bel et bien ces arbres d’une hauteur majestueuse qui offrent communément les fleurs utilisées en parfumerie. En Indonésie, la cueillette se fait à plus de 20 mètres au dessus du sol. Traditionnellement les hommes montent au sommet, grâce à une échelle de bambou (précisons-le), pour y secouer avec fermeté les branches fleuries à l’aide d’une longue fourche en bois. Les fleurs jaunes se mettent dès lors à voler et virevolter, à colorer le ciel, pour se déposer gracieusement sur le sol. C’est alors au tour des femmes de les ramasser en balayant le sol et de les empiler dans de gros paniers pour être ensuite pesées et distillées.

C’est au marin Albert Schwenger, vers 1860, que l’on doit les premières distillations de fleurs d’ylang ylang, à Manille aux Philippines. Peu de temps après, la culture de l’ylang ylang sera entreprise à grande échelle et développée dans l’océan indien pour le compte des parfumeurs français. Détrôné depuis par Mayotte et les iles Comores, l’Indonésie n’est plus le producteur principal de l’huile essentielle d’ylang ylang. Les usines locales opèrent désormais une petite production à destination d’une utilisation essentiellement régionale.

En parfumerie, on utilise souvent l’essence d’ylang ylang pour les accords floraux. A mi-chemin entre le jasmin et la tubéreuse, cette fleur apporte de la sensualité et de l’exotisme à un parfum. L’huile essentielle d’ylang ylang possède cependant de très nombreuses propriétés. Elle est aussi bien utilisée pour la beauté du corps ou des cheveux que pour soigner des troubles psychiques. D’un rendement faible, il faut compter 100 kg de fleurs pour extraire 2 litres d’essence.

Il est très aisé de trouver à Bali toute sorte de produits cosmétiques à base d’ylang ylang. La plus petite des boutiques traditionnelles en regorge, l’occasion de me remémorer l’odeur si profonde de l’ylang ylang, d’ancrer dans ma mémoire ce parfum flottant mais néanmoins entêtant qui sera désormais indéniablement associé à Bali. Demain nous partons plus au nord sur les flancs du volcan Batur, à la découverte de l’or du petit village de Munduk : les clous de girofle.

CARNET D’ADRESSES

Où dormir à Ubud:

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