Voyage au cœur du vétiver de Java, Partie I

Colline de vétiver

En cette fin novembre, je m’envole de nouveau en Indonésie mais cette fois sur l’île de Java. Dominée par une longue chaîne montagneuse volcanique et profitant d’un climat tropical, Java révèle une diversité géographique impressionnante. L’île bénéficie d’une extraordinaire fertilité des sols, on y cultive principalement le riz mais aussi le thé, une incroyable variété d’épices ainsi qu’une plante moins connue mais tellement précieuse en parfumerie: le vétiver.

Originaire d’Inde et d’Indonésie, le vétiver est une plante vivace de la famille des Poaceae se présentant sous forme de grandes touffes vertes. Elle se compose de tiges raides et de longues feuilles étroites légèrement coupantes. Sa racine forme un réseau fin et ramifié pouvant atteindre des profondeurs allant jusqu’à trois mètres. C’est justement dans ses racines, ancrées dans les profondeurs de l’humus au cœur de la moiteur des couches limoneuses, que se développe sa précieuse essence, utilisée des parfumeurs, qui en exploitent ses facettes contrastées.

Il existe de nombreuses variétés de vétiver, pourtant en parfumerie, on en utilise seulement trois, chacune étant cultivées dans différentes régions du monde: le vétiver Bourbon, originaire de l’île de la Réunion, le vétiver d’Haïti qui nous vient des Caraïbes et enfin le vétiver de Java, souvent le plus apprécié pour son odeur légèrement fumée.

Je suis accompagnée pour ce voyage de mon amie Hélène, elle est tout aussi passionnée que moi par les parfums et les odeurs. Partir à la découverte du vétiver lors de notre périple à Java est donc devenu une évidence. Ce que nous ignorons alors c’est que sur les 140 000 km² de superficie qui compose l’île, seulement 700 hectares sont consacrés aux plantations de vétiver, et ils se concentrent tous dans la petite région montagneuse de Garut au sud de Java-Ouest.

Nous prenons la route vers Garut à partir de Bandung, les voies de circulation javanaises sont pour le moins sinueuses, la conduite se veut effrontée et les klaxons frénétiques. Bordée de lauriers fleurs, la route est à flanc de colline, les oreilles grésillent, nous montons en altitude. Chaque sommet se démarque du précédent: triangle massif, fine dentelure, mont arrondi… le panorama devient de plus en plus étourdissant. Ce paysage éclaboussé d’une myriade de détails exalte nos sens éblouis. Nous atteignons notre destination en seconde, cette épineuse montée a eu raison de l’embrayage. Garut est une bourgade étonnamment paisible, notre arrivée est accueillie par les chants de la mosquée qui encensent le village.

Nous sommes reçues par Ede Kadarusman et son fils Ahmad. Il est l’un des plus important producteur de vétiver d’Indonésie. Sur l’ensemble de l’archipel, on trouve seulement vingt producteurs de vétiver, et tous se situent ici dans la région de Garut. Mr Kadarusman est propriétaire de 200 hectares soit plus d’un quart de la production totale. Après un accueil chaleureux digne de l’hospitalité indonésienne, nous partons en direction des plantations.

Nous reprenons la route pour monter aux abords du village, après quelques kilomètres nous quittons la chaussée principale pour aborder un chemin de terre qui accumule des ornières profondes, la voiture s’arrête, la route n’est plus praticable, nous devons continuer à pied. Je m’égare dans la plaine pour mieux sinuer entre les herbes hautes qui nivellent mon horizon d’un vert intense.

Le vétiver est planté pendant la période humide et récolté durant la période sèche. Il faut attendre 12 à 14 mois de maturation entre le moment de la plantation et la cueillette de la plante. En ce mois de novembre, la mousson hésite encore à éclater, les nuages vont et viennent pour n’imposer que leur moiteur. La période est idéale pour observer les différentes étapes de la culture du vétiver. Une maisonnette nous surplombe nous devons continuer notre ascension pour l’atteindre. A portée de main, je caresse les longues feuilles qui dansent au vent. J’aime plus que tout les entendre frémir comme si elles murmuraient l’histoire de la terre qui les nourrit.

Ici le vétiver vient d’être récolté, quand là on trouve les feuilles déposées sur le sol séchant au soleil. Une fois coupées, les tiges de vétiver trouvent de très nombreux usages. Elles sont largement utilisées dans l’artisanat traditionnel pour confectionner des nattes et des ouvrages de vannerie. De manière moins courante, les tiges de vétiver procurent également à peu de frais du chaume et de la paille pour fabriquer la toiture des habitations.

Derrière la colline qui nous surplombe, je découvre un véritable paradis. Un splendide panorama offre à nos yeux ébahis une vue à 360 degrés sur les plantations alentours. Entourés des montagnes volcaniques, l’horizon n’est qu’une déclinaison de verts et de jaunes ravivée par le rouge des toitures des villages alentours. En haut de cette montagne, les nuages à portée de la main, nous réalisons soudain que nous sommes sur un lieu pour le moins singulier. Ils sont là les 700 hectares de plantation javanaise, uniques au monde, ils nous encerclent et sont presque visibles à l’oeil nu. Je ne vous cache pas l’émotion qui nous a subitement envahie. Nous resterons de longues minutes à tournoyer, perchées au sommet de cette colline, pour ne perdre aucun détail du paysage époustouflant qui nous entoure. Après une première exaltation photographique, je décide de ne plus regarder au travers de mon objectif, pour profiter pleinement de ce moment rare en écarquillant davantage les yeux et sollicitant ma mémoire sensorielle.

S’il était des instants que l’on puisse à jamais revivre, des décors que l’on puisse éternellement imposer à ses yeux, je choisirais sans aucun doute ce moment.

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Comments
4 Responses to “Voyage au cœur du vétiver de Java, Partie I”
  1. Hélène dit :

    Ce fut un voyage vraiment magnifique et unique !
    Merci de me le faire partager encore une fois à travers ce très beau récit.

  2. Ca a du être un super voyage. Les paysages sont magnifiques. Merci de nous en faire profiter!

    • Christa dit :

      Merci a vous de me lire et de m’accompagner.
      Je conseille vivement ce voyage a tous les amoureux de nature.
      Garut n’est recommandé sur aucun guide et pourtant c’est splendide!

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