L’encens, le parfum des temples d’Asie

Effluves de bâtons d'encens

Il y a des odeurs en Asie qui sont omniprésentes, que l’on décèle peu importe le pays où l’on se trouve. La langue et l’écriture y sont différentes, parfois même la religion et la couleur de peau mais certaines senteurs, elles, restent les mêmes. Je pense à l’odeur de vapeur de riz, incontournable sur le continent qui s’associe souvent aux appétissantes senteurs de cuisine libérant toujours, au gré des spécialités, de forts effluves épicés. Il y aussi les parfums des fleurs exotiques tels que le frangipanier, le jasmin ou la tubéreuse que l’on retrouve par delà les frontières. Et puis il y a l’encens, ce parfum mystique utilisé dans les rites religieux. Dès que vous approchez d’un temple en Asie, peu importe son obédience, une même odeur d’encens, chaude et réconfortante, éveillera vos sens.

Originellement l’encens est une résine produite par un petit arbre, le Boswelia sacra, qui pousse à l’état sauvage dans le désert d’Arabie. Le résinoïde issu de la sève naturelle de ce buisson, au contact de l’air, se résinifie sous formes de petites pierres. Mais par extension, la dénomination d’encens s’étend aujourd’hui à d’autres résines pures comme l’oliban, la myrrhe et le benjoin.

De tout temps, l’encens désignait une résine aromatique dont le parfum s’exhalait lors de sa combustion lente. Cet encens, en fonction de sa provenance pouvait, et peut encore, se composer de ces diverses résines habilement mélangées ou utilisées pures.
 Le mode de combustion le plus habituel et le plus traditionnel consiste à déposer ces résines sur un charbon ardent jusqu’à incandescence.

Monastère de Po Lin, île de Lantau, Hong Kong

En Chine, Parfum et Encens sont désignés par le même idéogramme :
 Xiāng. L’importance de cette substance aromatique que l’on brûle rituellement depuis des millénaires est telle que, ce caractère représente encore une des clés essentielles de l’écriture chinoise classique. Sous sa forme très ancienne, ce caractère représente une bouche, donc la capacité de s’exprimer, de communiquer, surmontée d’une plante, ou d’un petit arbre, produisant une pluie de gouttelettes.
 Xiāng signifie donc littéralement en chinois ancien, « la sève qui permet la communication ». Ce même caractère désigne également le parfum de la vertu, la bonne renommée et le bon exemple. Le caractère moderne Xiāng désignant l’encens, donc le parfum,
 est aujourd’hui simplifié et représente un arbre surmontant le soleil : une image évoquant à la fois la clarté et le développement.

C’est dire la bonne réputation de l’encens en Chine et par contrecoup dans tout l’Extrême-Orient. Xiāng est l’un des qualificatifs les plus élogieux que l’on puisse employer puisqu’il évoque irrémédiablement l’odeur de sainteté. Confucius en parlant d’un gouvernement idéal affirmait par exemple, « qu’il doit exhaler une senteur d’encens » ajoutant « puissent vos paroles être parfumées comme l’encens ».

En Chine, comme dans la grande majorité des pays d’Asie, il convient rituellement de brûler de l’encens tous les jours chez soi et au moins une fois par mois au Temple, fussent-ils Bouddhistes, Confucianistes ou Taoïstes; un rituel discipliné indispensable pour satisfaire les Esprits. Cette tradition de l’encens n’est évidemment pas unique à la Chine, ou même à l’Asie, puisque tout l’Orient considère l’encens comme la plus belle offrande que l’on puisse faire à Dieu et ceci quel que soit son Nom.

Phra Prathom Chedi, Nakhon Pathom, Thaïlande

D’un point de vue parfumistique, l’encens devient véritablement extraordinaire grâce à la variété des différentes résines existantes s’associant à une infinité de mélanges subtils; l’encens peut donc être doser et travailler différemment en fonction de son utilisation et de sa destination. Parfois sont ajoutées aux résines des essences aromatiques ou même des plantes odoriférantes qui soulignent ou accroissent les particularités de chaque mélange. 
On peut donc apprécier des mélanges harmonieux ou plus simplement, des encens traditionnels en provenance de divers sites de production et qui correspondent à un état d’esprit particulier.

Jadis et encore souvent maintenant, ces encens naturels étaient très souvent produits, récoltés, préparés, mélangés par diverses congrégations religieuses, de toutes tendances et de toutes confessions, qui les utilisent dans certains de leurs offices. On peut donc trouver, par exemple, de l’encens bouddhiste tibétain, de l’encens bouddhiste indien, de l’encens bouddhiste japonais, de l’encens bouddhiste thaïlandais… qui possèdent pour chacun d’entre eux des particularités spécifiques souvent en rapport avec les différentes aspirations de leur religion. Ce qui est vrai pour le bouddhisme l’est également pour le christianisme ainsi que pour les autres religions, et un encens « orthodoxe » ne sera pas semblable à un encens « catholique ».

Au travers de mes voyages, à chacun des pays visités, je m’efforce toujours d’explorer les temples d’Asie. Pénétrer un univers chaleureux, où il est toujours émouvant d’observer les fidèles prier, quand seules la sagesse et la dévotion se lisent sur les visages. Et puis bien sûr pour l’encens, cette superbe senteur dont je ne me lasse de m’enivrer, une odeur qui produit un effet hypnotique avéré, permettant d’atteindre l’état idéal pour recevoir les messages d’autres cieux. La magie d’un arôme entêtant qui alerte les sens sur la présence d’un temple avant même de pouvoir l’apercevoir; puis face à lui, dès la porte enjambée, on s’incline devant les nombreux bouquets d’encens qui chaque jour exhument joies et infortunes.

Temple Qixia, Guilin, Chine

Mais ce qui m’impressionne certainement le plus est la diversité des tailles et des formes que revêtent l’encens. Des supports qui varient considérablement depuis les énormes serpentins pesant jusqu’à près d’un quintal arborant généralement en leur cœur des papiers griffonnés de prières. Puis il y a les bâtonnets qui varient de la taille imposante d’un tronc d’arbre jusqu’à la fragile baguette de quelques millimètres d’épaisseur; ou encore les clous fumants de forme conique qui eux aussi affichent une myriade de tailles et de couleurs.

Les bâtonnets restent sans doute les formes les plus communes et les plus utilisées. Il convient de savoir que tant en Chine qu’au Japon, en Corée, au Vietnam, et dans tous les pays ayant subi une influence culturelle ou religieuse issue de la Chine on les utilise en nombre impair, à moins qu’il s’agisse d’une offrande mortuaire où, dans ce cas particulier, ils sont brûlés en nombre pair.

Etant donné les différents mélanges qui se distinguent selon les régions et les croyances, l’odeur de fumée d’encens est difficile à décrire de manière précise et dans une globalité. On peut néanmoins lui reconnaitre de posséder à la fois ‘la fraicheur de la pierre et du romarin et la douceur enveloppante d’une boule de cachemire duveteuse’, lui conférant ainsi une odeur chaleureuse, envoûtante et finalement très orientale.

Une magnifique senteur, un parfum mystique dont les colonnes étiques de fumée réconcilient le matériel et le spirituel, nous rappellant ainsi le sens premier du parfum : per fumum.

Temple Yueh Hai Ching, Singapour

 

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