Le Piment Thaï : zoom sur un goût et un parfum irrésistible

Plateaux de piments colorés

En déambulant au cœur du marché de Pak Khlong à Bangkok, il est un ingrédient qui attira mon attention plus que les autres par son omniprésence; se parant d’un vert sûr, d’un orange alerte ou d’un rouge carminé le piment thaï était de tous les tableaux. Inutile de rappeler la vénération des thaïlandais pour la gastronomie, qui fait de leur cuisine l’une des plus pimentées au monde et ce grâce à ce petit protagoniste qui sait surprendre le palet.

Importé d’Amérique du Sud par les Portugais et les Espagnols vers le XVIe siècle, le piment thaïlandais est aujourd’hui la seconde variété de piments les plus forts et les plus piquants au monde (après les habañeros mexicains). Par conséquent la consommation de piment en Thaïlande est la plus élevée parmi tous les pays asiatiques et probablement l’une des plus importantes au monde.

Communément appelé piment du dragon en Asie, les thaïlandais le surnomme “Prik Kee Noo”, signifiant littéralement “crottes de souris”. Un nom cocasse faisant allusion à leur petite taille d’environ 3 à 5 cm de long et 0.8 cm de diamètre. Appartenant au genre Capsicum, le piment thaï varie du vert au rouge en passant par des tonalités de jaunes. Avec sa chair épaisse, il possède de nombreuses graines dégageant une force et une chaleur extraordinaires, mais pour le moins redoutables pour les papilles gustatives (entre 80 000 et 300 000 unités Scoville).

Le degré d’intensité des piments est mesuré en unités Scoville. Ils sont évalués en multiples de 100 : les poivrons sont les plus faibles avec zéro unité et les piments habañeros les plus forts, avec 300 000 unités. La saveur d’un piment est concentrée dans sa chair, tandis que le ‘piquant’ se retrouve dans les pépins et les membranes. C’est la capsicine qui donne aux piments leur saveur piquante, plus un piment est fort plus il en contient. La capsicine est reconnue pour causer la libération d’endorphines dans le corps provoquant une sensation de bien-être et de plaisir. On comprend dès lors mieux l’addiction des asiatiques à cette puissante et brûlante saveur.

Sous le marché couvert, aux abords du fleuve Chao Phraya, le paysage se teinte de couleurs vives incandescentes. Dissimulés au coeur des légumes, les piments sont partout: dans des plateaux exposés au soleil, dans des cageots en plastique colorés ou dans de simples sacs transparents noués qui s’entassent en monticules. Ici ils arborent toutes les couleurs: rouges, oranges, jaunes, verts… De leurs chatoyantes couleurs, ils vous charment du coin de l’œil donnant presque l’envie de les croquer crus à vives dents! La raison l’y en empêche néanmoins…

En pénétrant à l’ombre des toits en taule, dont le soleil trouve toujours à se faufiler, les femmes sont assises en tailleur sur le sol équeutant les tiges des piments. Et quel courage étant donné les amoncellements qui les encerclent et les heures de travail qui les attendent! L’ambiance se veut joviale, les langues sont déliées et les rires et sourires au rendez-vous. Qu’elles sont belles avec leurs épaisses chevelures et les joues aussi rondes que leurs grands yeux noirs. Une femme coquette me propose de croquer dans un de ses jolis piments rouges, je refuse poliment à son insistante proposition ayant conscience du sort qui me serait réservé. Rien que l’idée de me voir rougir à en pleurer amène cette escouade féminine à rire aux éclats!

Une fois préparés les piments sont rassemblés sur des plateaux de paille sous un soleil de plomb qui se chargera de les assécher. Ce décor me rappelle le temps d’un instant, les épices croisées en Indonésie qui séchaient à la chaleur du jour le long des routes. Ici on les dépose où la place le permet, sur des poutres en bois ou des planches de taule gondolées. Les petits piments perdent doucement leur odeur fraîche et croquante, laissant peu à peu place à une émanation plus chaude qui se mêle aux effluves âpres et légèrement salés du fleuve avoisinant.

Dans la cuisine thaïlandaise, le piment est consommé de toutes les sortes : frais dans la plupart des plats sautés, séché et moulu pour la confection de sauces et sambals (pâte de piment) et en poudre pour rehausser les soupes et salades. Un seul soupçon de sa présence enflammera les mets les plus délicats.

La cuisine et la parfumerie n’étant jamais très éloignées l’une de l’autre, le piment est aussi un ingrédient que l’on retrouve dans les parfums. Obtenus par distillation à la vapeur d’eau, on extrait deux types d’essences du piment : une huile provenant des feuilles et une seconde, la plus utilisée, extraite des baies immatures séchées. Contenant une majorité d’eugénol, son odeur épicée et sèche aux tonalités boisées et aromatiques peut se rapprocher du clou de girofle.

En parfumerie, le piment est très apprécié pour sa ‘dualité fraîcheur-chaleur’ et est communément utilisé comme modificateur dans les parfums épicés. À la fois intense, distingué et addictif, c’est en note de cœur que le piment dévoile l’intensité de son caractère et sa finesse racée. « Son registre du métal froid au métal en fusion » en fait un ingrédient captivant, un produit incontournable de la palette des parfumeurs.

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