Un Jardin après la Mousson, Hermès
Chaque année, l’Asie du sud attend, chante et célèbre sa mousson. Saison d’orages éblouissants, de rivières qui débordent et de végétation fleurissante; la mousson est une époque de fraîcheur et de renouveau, symbole de jouvence et de verdure, saison féconde à la fois sensuelle et exaltante.
Certains jours, le ciel de Kandy reste obstinément couvert, la brume s’accroche aux collines environnantes et de lourdes gouttes de pluie s’abattent sur la ville. Les rickshaws vacillent en négociant des virages serrés, éclaboussant les passantes en saris chatoyants. Dans les campagnes, les couleurs s’adoucissent et les verts s’estompent. Mais même sous la pluie la région de Kandy conserve tout son charme.
Puis les brises de la région montagneuse dispersent le brouillard, révélant des maisons pittoresques parmi les bois. Le ciel bleu de cobalt fait resplendir les flaques argentées et scintiller les rivières où se baignent les éléphants. Et alors que la mousson s’estompe peu à peu, elle laisse derrière elle une nature révélée, éblouissante de beauté et exacerbée de ses parfums. Senteurs bénites d’une averse, polyphonie olfactive d’une saison, où les effluves se cueillent telles des fleurs. Je m’imprègne de l’air humide, de l’eau troublée par la pluie, de la fraîcheur agréable… Cette odeur si particulière, qui m’a submergée ce jour de pluie au Sri Lanka, je l’ai retrouvée en parfum avec Un Jardin après la Mousson de la maison Hermès.
Inspiré de l’Inde, Jean Claude Ellena a créé ce parfum suite à un voyage au Kerala. Sur son chemin, le parfumeur a rencontré pléthore d’odeurs, de goûts, de senteurs et de saveurs. Dans cette apparente complexité, il a choisi l’épure sereine d’une nature renaissante. Là où terre et eau se confondent dans une végétation luxuriante, c’est au cœur d’un réseau de rivières et de canaux typiques du sud de l’Inde, que l’on nomme les backwaters, que le parfum pris alors sa source.
Alors que le déluge vient de cesser, que le voile des nuages se déchire sur le soleil retrouvé, les canaux eux sont devenus miroirs. La terre est gorgée d’eau et la végétation gonflée de sève. C’est le moment où les couleurs et les odeurs sont les plus claires, les plus justes, les plus pures. “L’air suffocant s’est fait parfum. Je sors mon nez. Le grand jardin respire. Les arbres se redressent. Les feuilles reverdissent. L’herbe se trémousse. De jeunes pousses apparaissent. Une grenouille couleur de boue saute de feuille en feuille. Des corolles de fleurs se déplient. L’eau vivifie les senteurs froides et fige les parfums opulents. L’odeur renaît, vive, claire, mouillée. C’est ce jardin accueillant que j’ai mis en flacon » (Jean Claude Ellena).
‘Voyage poétique à la découverte d’une Inde inattendue’, bien loin des habituelles senteurs opulentes. Le parfumeur écarte les fleurs capiteuses, les épices chaudes et violentes pour privilégier les odeurs végétales, les impressions d’eau et les épices froides. Dans sa quête d’une fraîcheur impalpable et transparente, il s’est souvenu d’une citronnade au gingembre, à l’odeur et au goût doucement poivrés, acidulée par quelques gouttes de lime. Alors naturellement, il a élu la cardamome, si chère à la région, alliée à la coriandre et au poivre pour une envolée subtile et spontanée. Il a été séduit par la suavité aqueuse des fleurs de longoses, subtiles et légères, semblables à des papillons blancs, révélées par un accord de fleurs blanches exotiques (jasmin, gardénia, tubéreuse). Puis il a joué avec les notes fumées et terreuses du vétiver que les Indiens accrochent aux fenêtres pour en parfumer leurs maisons.
Très loin de la simple restitution, Jean Claude Ellena s’accorde à valoriser l’écart par rapport à la nature en créant une odeur apte à la suggestion et à l’évocation. Ce parfum me ramène dès lors en voyage, le temps singulier d’une journée de pluie sri lankaise: verdeur mouillée, douceur aqueuse, sève herbeuse… toutes les formes d’expressions d’une végétation éblouissante, d’une nature révélée, d’un jardin après la mousson tout simplement.