Voyage au cœur du vétiver de Java, Partie II

Feuilles et racines de vétiver

Les yeux émerveillés et les sens éblouis par la récente découverte des plantations de vétiver, nous nous dirigeons désormais en direction de l’usine de distillation. De retour au village, à seulement quelques pas de la maison familiale des Kadarusman, nous empruntons un petit chemin de terre qui nous mènera, après une centaine de mètres, au lieu tant convoité. Bordé de plantations agricoles, tomates et pommes de terre nivellent l’horizon.

De jeunes enfants se trouvant là, osent un “hello” étouffé par les rires de ce qu’ils croient une effronterie. Ils nous devancent de quelques mètres comme pour mieux nous montrer le chemin. J’adopte sur le champ les bouilles ensoleillées de ces trois garnements et je finis par empoigner mon appareil avec l’espoir d’immortaliser cette jeunesse insouciante.

Une odeur familière vient alors nous frôler les narines, à chaque pas elle se veut plus prononcée et s’intensifie au fil de nos mouvements. J’aperçois alors un immense amoncellement de racines de vétiver qui nous salue marquant ainsi l’entrée de la distillerie. Les racines sont omniprésentes, entassées çà et là, elles nous entourent de toute part pour mieux embaumer l’air de leur subtile senteur boisée.

Une fois les feuilles arrachées, les racines sont directement récoltées et coupées dans les champs, pour être amenées ici par camion. Nous avons d’ailleurs croisé nombreux de ces engins sur les routes alentours, des fourgons qui paraissent bien ridicules parés ainsi, de leur imposante coiffure frisée aux teintes claires… Déposées puis entassées, les racines profitent ainsi d’une lumière qui leur était jusqu’alors inconnue. Au contact des rayons du soleil brûlant elles s’assécheront pour accentuer davantage leur précieux parfum.

Assise au milieu des racines, une femme nous accueille d’un sourire timide doucement contagieux. Elle arbore une mine coquette aux joues fraîches et enfantines, son voile parfaitement ajusté sous un chapeau pointu, elle coupe les rhizomes à l’aide d’un sabre pour en détacher le pied qui sera ensuite replanté. Un homme assis à ses cotés œuvre avec la même habileté. Je rends les sourires que la scène m’inspire, découvrant la vie quotidienne qui anime ce lieu caché.

Ahmad, sixième génération de producteur javanais, nous accompagne ici encore en faisant preuve d’une extrême bienveillance. Naturellement conscient de la préciosité de ces racines, il se plait dès lors à nous faire faire le tour du propriétaire. Il nous présente une à une ces monstrueuses, mais néanmoins désuètes, machines qui permettent la production du précieux butin. Lorsqu’il aborde sa nouvelle acquisition, un alambic pourvu d’une toute nouvelle technologie, ses yeux pétillent d’une fierté mal contenue.

Pas moins de 2 tonnes de racines sont nécessaires pour produire 5 kg d’huile essentielle. L’huile essentielle est obtenue par distillation à la vapeur d’eau des rhizomes lavés, coupés en morceaux et séchés au soleil. Après la distillation, durant en moyenne 12 à 20 heures, la racine de vétiver fournit une essence résineuse très épaisse de couleur brunâtre. On juge la qualité d’une huile à sa couleur claire, sa qualité s’amoindrit au fil que sa couleur s’intensifie.

Le vétiver est un véritable paysage olfactif à lui tout seul, qualifié tantôt de note boisée, verte et terreuse. Il possède la lourdeur enivrante de la terre mouillée coupée de l’acidité fraîche d’agrumes gorgés de soleil. Il évoque une forêt d’automne dense et humide que percerait un rai de lumière éblouissant. Cette essence à la saveur fine et complexe est une note emblématique de la parfumerie et on le retrouve principalement dans les parfums boisés, fougères et chyprés. C’est l’un des thèmes majeurs de la parfumerie masculine, on le trouve néanmoins aisément dans de nombreux parfums féminins, essentiellement en notes de fond.

C’est sur ces derniers instants de découvertes olfactives que nous quitterons nos hôtes et le petit village de Garut. Cette dernière visite a-t-elle embaumé nos sens et nos esprits, ou ne serait-ce que les effluves des petits échantillons d’huile essentielle pure gentiment offerts qui nous embaumeront jusqu’au soir durant ? Quoiqu’il en soit la force et l’omniprésence de l’odeur rencontrée ce jour là est indéniable, et je vous assure qu’elle reste depuis ancrée dans nos esprits, associée aux nombreuses images de notre exploration javanaise.

Sous un ciel criblé d’étoiles, les estomacs régalés du plus alléchant des mets, nous bavarderons encore longuement de nos découvertes olfactives, comme pour empêcher la nuit de nous voler une journée de plus. Prochaine escale Bogor, à la découverte de la ‘star’ des épices, que dis-je, d’une véritable femme fatale… la noix de muscade.

CARNET D’ADRESSES

Plantation et usine de vétiver à Garut:

Contacter Ahmad Nur Fathorudin au +62 817 229598

Jl. Raya Kamojang 02/07 Kp. Lehokpulus Ds. Sukakarya Kecamatan Samarang Kab. Garut 44161, West Java – Indonesia

(usine et plantation fermées au public, convenir d’un rendez-vous pour toute visite)

Où dormir à Garut:

Mulih Ka Desa, Makan & tidur di sawah

Jl. Raya Samarang – Komajang Garut

Tel: + 62 262 542271 / +62 262 470 4477

Ce petit hôtel en plein air est constitué de traditionnels pavillons en bois sur pilotis. Traverser de petits ponts au milieu des rizières pour atteindre votre chambre, déguster vos repas en tailleur sur un petit lac de lotus et laissez vous réveiller par les buffles d’eau qui vous attendent derrière les fenêtres au petit matin. A partir de 68 euros la nuit.

 

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Comments
4 Responses to “Voyage au cœur du vétiver de Java, Partie II”
  1. Sylvanette dit :

    Je viens de découvrir votre blog en faisant une recherche sur le vétiver Java et je le trouve passionnant et très bien écrit. J’ai décidé de vous suivre dans vos voyage en attendant de partir moi même!

    • Christa dit :

      Bonjour Sylvanette,
      Merci beaucoup pour votre message, je suis ravie de vous compter parmis les nouveaux lecteurs de ce blog.
      Je ne peux que vous recommander de visiter cette très belle région du monde aussi splendide qu’accueillante.
      Par avance merci de votre fidélité.

  2. Cusset dit :

    J’ai bien aime votre récit je vais moi même sur java ouest et j’aimerai découvrir cette plantation pourriez vous me transmettre le lieu exact
    Ce passage m’a ouvert le nez de bon matin et il me tarde déjà
    Cordialement

    • Christa dit :

      Merci pour votre message, c’est un plaisir de savoir que vous avez pu sentir et ressentir les odeurs décrites dans ce récit.
      Je n’ai malheuresement pas l’adresse exacte de la plantation, l’adresse ci-dessus indique l’usine de distillation, mais toutes deux se trouvent à Garut à seulement quelques kilomètres l’une de l’autre. Je vous invite à contacter Ahmad, le propriétaire au numero indiqué ci-dessus afin de convenir d’une visite avec lui directement selon vos dates de voyage.
      Bien à vous.

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