À la rencontre des cueilleuses de thé du Sri Lanka

Cueillette du thé au Sri Lanka

La région montagneuse, située au sud du Sri Lanka, diffère totalement du reste du pays. Le paysage, vert et luxuriant, est émaillé de plantations de thé couleur jade, des forêts d’altitude sont accrochées aux montagnes dentelées et sillonnées de cascades. Le climat quant à lui offre une température bien plus fraîche, surprenante dans un pays tropical.

La route de Kandy à Nuwara Eliya grimpe avec une dénivellation de près de 1400 mètres en serpentant à travers les plantations, nous sommes ici au coeur du thé de Ceylan. Aujourd’hui troisième producteur mondial, le Sri Lanka est surnommé « L’île du thé » et produit l’une des meilleures variétés au monde. Les domaines, tous à consonances britanniques, se succèdent et se ressemblent. En cette matinée, la lumière naissante révèle de la plus exquise manière: reflets, couleurs et reliefs des plantations verdoyantes, des recoins ombreux des usines alentours ou des saris chatoyants des cueilleuses croisées le long des routes.

Nuwara Eliya souvent surnommée ‘Little England’, conserve une ambiance étonnamment britannique: les rickshaws passent devant des cabines téléphoniques rouges, la poste de style victorien est bâtie en briques roses, et le golf soigné se fond dans les plantations de thé vallonnées. Si le centre-ville, poussiéreux et turbulent, est typiquement sri-lankais, il suffit de s’en éloigner à peine pour découvrir des bungalows de style colonial, des haies bien taillées et de jolis jardins fleuris de roses.

L’île de Ceylan fut annexée officiellement par les Britanniques, qui en firent une colonie de la Couronne en 1802. Autrefois Nuwara Eliya était la villégiature favorite des pionniers anglais et écossais de l’industrie du thé. Afin de développer cette activité florissante et de fournir une main-d’œuvre appropriée, les Anglais firent venir, de l’Inde voisine, des Tamouls pour travailler dans leurs exploitations. Aujourd’hui encore, seuls les descendants des Tamouls travaillent dans les plantations de thé du Sri Lanka.

La cueillette du fameux thé de Ceylan est effectuée exclusivement par les femmes. Le spectacle qu’offrent les cueilleuses de thé est toujours fascinant. Au cœur d’une abondante nature verdoyante elles forment des dizaines de points de couleur. Alors que nous longeons un groupe de femmes travaillant dans une plantation, nous grimpons la colline pentue pour aller à leur rencontre.

Les belles aux corps fins dissimulés sous un sari bigarré ont la peau cacao tannée par le soleil, les pommettes saillantes, le nez épaté percé d’or, le front marqué d’un point rouge et les pieds nus. Leurs chevelures de jais sont nattées jusqu’au creux des reins tandis que leurs poignets sont moins chargés de bracelets que leurs consœurs indiennes.

Leurs yeux ronds et noirs furètent et m’invitent à dévoiler les trésors que je transporte, leurs mains épaisses et vieillies par le travail tâtent ma chair laiteuse. Un large sourire illumine leurs visages. Elles se plaisent à converser et nous expliquent qu’elles doivent récolter un minimum de 20 kilos de feuilles pour un butin journalier de 5 dollars. Au regard du poids de la feuille, cela représente un large volume et tout autant de fatigue pour seulement quelques pièces. Le plaisir qu’elles éprouvent à partager un instant avec les étrangers que nous sommes, à pratiquer une langue dont elles ont rarement l’usage, à débrider une curiosité généreuse est véritablement contagieux et ne fait que renforcer notre admiration.

Nous partons ensuite vers la gare de Nuwara Eliya, afin d’embarquer dans le prochain train en direction d’Haputale. La locomotive sonne le départ et nous voilà partis pour cinq heures de voyage à travers la zone montagneuse avec pour seul paysage environnant une nature luxuriante: des plantations de thé vallonnées, des  forêts tropicales déchirées par des cascades argentées et des potagers en terrasses soigneusement entretenus. Alors que la brume s’accroche aux collines ondoyantes, nous montons ainsi jusqu’à plus de 1800 mètres d’altitude, point culminant de l’île.

D’une vitesse flegmatique, le train se veut des plus sommaires, sans confort ni sécurité. Néanmoins l’expérience n’en est qu’intensifiée. À chaque arrêt des vendeurs de beignets frits, viennent parfumer le wagon d’une odeur grasse et épicée. La porte ouverte, assise sur la marche du train, les pieds ballants au vent, je savoure un étourdissant panorama.

À mon passage, hommes et femmes m’éblouissent de leurs sourires, m’offrent un geste de la main, aimeraient sans doute converser, à défaut ils s’offrent sans indignation à l’objectif que j’ose timidement sortir.

Ici encore, nous apercevons les maigres silhouettes des cueilleuses éparpillées dans les champs, tels des pions en mouvement perpétuel, qui animent d’une grâce souple et colorée cette toile de fond enchanteresse. La rencontre avec les cueilleuses de thé restera un souvenir mémorable et bouleversant. Ces femmes portent en elles l’altière noblesse de celles qui n’ont jamais trahi leur condition, ni renié leurs origines. Elles n’ont sans doute pas eu d’autres choix mais cela n’altère en rien leur mérite.

Demain nous redescendrons ces montagnes en direction du sud de l’île, sur les côtes du littoral, pour y découvrir un des trésors sri-lankais: la cannelle de Ceylan.

CARNET D’ADRESSES

Fabrique de thé Macwoods Labookellie

Sur l’A5, 5km avant Nuwara Eliya. Appréciez une très belle vue sur les plantations alentours, visitez la fabrique de thé traditionnelle et dégustez différentes variétés de thé.

Horaires d’ouverture: de 8h à 18h30 – Entrée libre

Se déplacer au Sri Lanka:

Contacter Susil (guide/chauffeur) au +94 77 7441959

Originaire du sud du Sri Lanka, Susil est amoureux de son pays et ça se sent! Généreux et digne de confiance, il vous fera visiter les régions les plus reculées avec un sens du service irréprochable.

Comments
9 Responses to “À la rencontre des cueilleuses de thé du Sri Lanka”
  1. Lyne Boutinon dit :

    j’y étais !!! il y a plusieurs années mais je m’y retrouve comme si c’était hier
    une région magnifique, difficile d’en partir tant l’atmosphère est chaleureuse

  2. Cyril@puerh dit :

    Je découvre avec plaisir votre blog grâce à ce bel article! ..et également votre autre article sur une plantation à Guilin en Chine! Je sens que je vais suivre vos récits…! Bonne continuation.

    • Christa dit :

      Cher Cyril,
      Merci beaucoup pour votre message, je suis heureuse de vous compter parmi les nouveaux lecteurs de ce blog.
      Le thé est une très belle matière, si omniprésent en Asie, que je le découvre d’une nouvelle manière à chacune de mes destinations.
      à très bientôt
      Christa

  3. Très bel article. Décidement cette destination me fait de plus en plus envie. Qu’en est il du budget voyage et de la sécurité?

    • Christa dit :

      Merci Chrissand pour votre message.
      Le Sri Lanka s’explore très facilement, je ne peux que vous recommander la visite de ce magnifique pays. On laisse parfois supposer qu’un séjour au Sri Lanka puisse être dangereux, c’est définitivement un tort. Il est vrai que la guerre et les catastrophes naturelles ont malmené le Sri Lanka ces dernières années, mais il semble aujourd’hui pouvoir envisager un avenir plus serein. Vous serez accueilli par une population cinghalaise curieuse et chaleureuse.
      Concernant le cout de la vie, bien que plus cher que l’Inde, les prix restent très raisonnables.

  4. Sylvanette dit :

    Votre plume est vraiment très agréable à lire. Je suis une buveuse de thé et je trouve tout ce qui tourne autour fascinant, même si le thé de Ceylan n’est pas mon préféré. J’attends avec impatience un papier sur celui de Darjeeling.

    • Christa dit :

      Merci beaucoup Sylvanette pour votre message, ça me touche beaucoup.
      L’Inde j’en rêve : tellement à voir, à vivre et à sentir…
      peut être aurais-je la chance d’y aller d’ici les prochains mois, je vous tiens informée!

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