Hong Kong, le port aux parfums

Le port d'Aberdeen, un savant melange entre tradition et modernite

Sur la côte Sud de la Chine, baignée par la Rivière des Perles et la mer de Chine méridionale, se situe l’île de Hong Kong. Surnommée le «port aux parfums», Hong Kong ne manque effectivement pas de saveurs. Cette ville vibrante, de 7 millions d’habitants, a de quoi surprendre et aiguiser les sens.

Si parfums il y a à Hong-Kong, ce ne sont pas nécessairement ceux des fleurs, des épices ou même de l’opium. Avouons-le il s’agit plutôt d’un parfum de béton, d’odeurs de gaz d’échappement et de légers effluves marins, beaucoup moins salés que nauséabondes aux plus chaudes heures de la journée. Comme dans de nombreuses villes asiatiques, on peut néanmoins sentir un savant mélange de senteurs gustatives en tout genre : vapeurs de soupes, émanations de viandes et poissons séchés… savamment mêlées aux fumées d’encens brûlant sur les petits autels des pas de portes. Un environnement olfactif hongkongais bien existant, mais beaucoup moins charmeur que la traduction cantonaise ne le laisse imaginer.

L’ancien joyau de la couronne britannique, se dit effectivement Xiang Gang 香港. Comme précisé ici dans un précédent post, l’idéogramme chinois Xiang 香 signifie le Parfum mais aussi l’Encens. Au XVIe siècle, pendant la dynastie Ming, « Xiang Gang » était devenu le nom original du village d’Aberdeen. On raconte que ce sont les négociants portugais, qui auraient confondu le nom de ce port de pêcheurs pour l’île entière; une fois la faute réalisée, le nom de « Hong-Kong » était déjà communément utilisé ! Lors de mon séjour, je me suis donc rendue à Aberdeen afin d’en savoir plus sur cet ancien village portuaire, avec l’espoir de mieux comprendre cette évocation de port parfumé.

Situé au sud de l’île principale de Hong Kong et il ne vous faudra qu’une vingtaine de minutes pour atteindre le village d’Aberdeen depuis Central. Devenu une étape des circuits touristiques, ce petit port qu’on imaginait aisément paisible il y a quelques années a beaucoup perdu de son charme, aujourd’hui entouré d’innombrables tours de béton. Un esprit traditionnel flotte cependant à la vue d’une multitude de sampans, ces petits bateaux de bois traditionnels à l’allure bancale. Un saisissant contraste entre tradition et modernité, mais ici comme ailleurs aucune odeur, autre que celle de l’eau de mer souillée de gasoil, n’est perceptible…

Et pourtant c’est bien ici, que s’alignaient il y a des siècles, les entrepôts d’encens dont se dégagaient de subtils effluves qui donnèrent leur nom à toute la ville.

Dès le premier millénaire de notre ère, sous les dynasties Song (960-1279) puis Ming (1368-1644), la culture d’un arbre au bois odorant faisait l’objet d’une activité commerciale importante. Largement utilisé pour l’encens et la médecine chinoise, l’arbre aquilaria sinensis, communément appelé « arbre à encens » 香樹 par les hongkongais, n’est autre que le bois de oud, éminemment connu aujourd’hui! (pour en savoir plus, visitez mon post sur le bois de oud ici).

La culture de l’aquilaria était alors concentrée en Chine méridionale, dans la région de Dongguan (actuelle province de Guangdong) et dans les Nouveaux Territoires et l’ouest de l’île de Lantau (actuel territoire de Hong Kong). Cette culture pour la production « d’encens hongkongais » a prospéré des siècles durant, donnant lieu à des transports fréquents entre les zones de culture et Aberdeen, puis vers les grands ports d’exportation des confins de l’Asie jusqu’en Arabie. Le port d’Aberdeen était donc reconnu comme une importante platefome logistique du commerce du bois de oud et de l’encens d’où son nom de Xiang Gang 香港, le port de l’encens ou le port aux parfums!

Mais l’urbanisation et le développement de l’industrie à Hong Kong et dans le delta de la rivière des Perles au XXe siècle ont peu à peu recouvert les plantations et condamné le commerce. Sacrifié au béton, victime de l’abattage illégal, l’arbre à encens de Hong Kong est aujourd’hui menacé de disparition. Figurant parmi les espèces recensées par la CITES, le ministère hongkongais de l’Agriculture a récemment identifié des arbres aquilaria sur seulement 86 des 118 sites recensés à Hong Kong en 2003, mais aucune statistique n’est disponible sur le rythme auquel l’espèce décline. Un futur pour le moins incertain quand on voit la vitesse vertigineuse à laquelle se développe la ville aujourd’hui.

Malgré ce triste présent, Hong Kong ne perd rien de son imaginaire. Le port aux parfums a de quoi éveiller les sens et il est plaisant de s’imaginer volontiers l’époque où, une fastueuse odeur de bois de oud parfumait l’atmosphère d’un petit port de pêche sur la rive orientale de la Rivière des Perles…

CARNET D’ADRESSES

Aberdeen est reliée par la route au sud de l’île de Hong Kong, et par le tunnel d’Aberdeen avec le nord et Wan Chai.

De nombreux organismes de tourisme proposent des croisières du port d’Aberdeen en sampan traditionnel. Évitez le week-end ou les hautes heures de l’après-midi pour profiter d’une croisière paisible.

Comments
5 Responses to “Hong Kong, le port aux parfums”
  1. Claire P-P dit :

    J’ai réussi à mettre des odeurs (et des goûts!) sur vos mots. Merci pour cette escale! :)

  2. Sylvanette dit :

    J’ai toujours un peu de retard de lecture mais c’est avec plaisir que je découvre le rôle d’Hong Kong dans l’histoire du bois de Oud.

    • Christa dit :

      Bien que toutes les matières premières soient fascinantes je pense qu’il y en a peu qui ont autant imprégné l’histoire que le bois de oud…
      Il y a tant à dire et encore à decouvrir… merci Sylvanette de continuer à suivre mes petites histoires parfumées!

  3. Hong Kong éveil tous les sens, l’odorat comme vous l’avez précisé , la vision avec le nombre de lumière qui clignote et l’ouï qui est mis à rude épreuve avec le bruit constant de la ville… Une ville magnifique!

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