Découverte de la cardamome dans la région de Kandy, Sri Lanka
C’est à la fin du mois de janvier, alors que la mousson vient tout juste de se retirer, que nous nous envolons vers l’ouest en direction d’un petit joyau de l’océan indien: le Sri Lanka.
Signifiant en sanskrit ‘l’île resplendissante’, le Sri Lanka surprend par la douceur de sa terre et de ses habitants. La vie y est paisible et le temps s’écoule à un rythme différent. Même dans l’effervescence des marchés et l’agitation des gares routières, les sri lankais conservent cette démarche sereine et raffinée que favorise le port du sari et du sarong. La chaleur, la poussière et l’humidité incitent elles aussi à ralentir le pas…
C’est donc dans cette atmosphère bienveillante que nous partons à la découverte de l’île de Ceylan, cette terre d’épices dont l’incroyable biodiversité annonce bon nombre de découvertes prometteuses.
Pour ce premier jour c’est dans la région de Kandy que nous nous dirigons pour y découvrir une précieuse épice, particulièrement représentatrice de cette région occidentale de l’Asie: la cardamome.
À 500 mètres d’altitude et à 115 kilomètres de la capitale, Kandy offre une ambiance urbaine effervescente où dominent l’histoire et la culture. Notre point de rendez-vous se trouve encore à 25 kilomètres du centre ville, sur les collines avoisinantes de Matale, là où l’altitude augmente et les routes deviennent sinueuses. Des temples bouddhistes d’un blanc immaculé bordent la route contrastant avec les couleurs vives et criardes des maisons aux clayonnages enduis de torchis. Sur le pas des portes, des chiens endormis s’enroulent au soleil dans la poussière.
Alors que le paysage alentour n’est plus qu’un panorama de plantation de thé, nous atteignons enfin l’usine de production de cardamome, quelques modestes bâtiments adjacents d’une majestueuse maison coloniale. Une familière odeur fusante se fait d’ores et déjà sentir. Nous sommes accueillis par Mr Samarakoon, membre du Ministère de l’Agriculture Sri Lankais et Mr Jayasinghe propriétaire des lieux. Après un accueil chaleureux nous partons directement en direction des plantations avant que le soleil ne se couche. Nous devons dès lors changer de voiture, l’ascension s’annonce sportive. Embarqués à bord d’un 4×4 robuste, nous abordons un chemin de pierres, au milieu des plantations de thé, d’une largeur à peine supérieure à celle de notre véhicule. Décollant de mon siège à chaque nid de poule, bercée par les sinuosités d’une terre à vocation de montagnes russes, nous apercevons enfin les plants de cardamome. Sur les pentes de ce sommet, à plus de 1200 mètres d’altitude, une luxuriante forêt abrite la plantation tant convoitée.
La cardamome est originaire de la côte de Malabar en Inde. Plante robuste, vivace et herbacée, elle appartient à la même famille que le gingembre, les Zingibéracées. La plante mesure de 2 à 5 mètres de hauteur et pousse en moyenne altitude (750 à 1500m) dans les forêts humides et tropicales. Ses larges feuilles lancéolées montent à l’assaut du ciel quand à leur pied, les fleurs et les fruits de la cardamome apparaissent en toute discrétion. De petites capsules vertes en chapelet accompagnées de délicates et minuscules fleurs blanches, maquillées de traits roses comme tracés au pinceau. Beautés sophistiquées et insolites, perdues dans ce vaste univers végétal.
La récolte de la cardamome s’effectue d’août à janvier. On utilise comme épice le fruit qui se présente sous la forme d’une capsule verte grisée, à trois loges contenant des graines brunes foncées. Ce sont ces minuscules graines noires qui, une fois séchées, développent un arôme d’une extraordinaire finesse. Cependant, le fruit est commercialisé entier pour éviter l’altération des graines.
De retour à l’usine de production, nous croisons un homme rapportant la récolte du jour dans de gros sacs de jute. Pour accélérer le processus de séchage, le fruit de la cardamome est alors déposé sur des plateaux de bois grillagés dans le grenier d’une petite maison de pierre chauffée au feu de bois. Dépourvue de toute ouverture et donc de courants d’air, la température peut atteindre 45 à 60 degrés. La chaleur y est étouffante mais quel joli spectacle que de faire face à cette bibliothèque boisée emplie de graines vertes. Laissées ainsi pendant plusieurs semaines, elles seront ramassées une fois séchées à point, la coque craquante.
Les graines sont ensuite triées à la main pour ne garder que les belles vertes; celles abîmées, cassées ou noircies seront concassées pour en extraire l’huile essentielle. Les graines sélectionnées seront quant à elles pesées et misent en sac pour être vendues à destination de l’industrie alimentaire. La cardamome est aujourd’hui l’une des épices les plus chères au monde après le safran et la vanille.
Fraîches et fusantes, les graines de cardamome déclinent des accents croquants qui font saliver. Communément utilisées dans la cuisine indienne et sri lankaise, elles entrent dans la composition de tous les curry et masale. On l’utilise aussi souvent pour parfumer le café et le thé traditionnel bu dans la région, le fameux chaï, un fort thé noir mélangé de lait et d’épices.
Le principal produit de la cardamome est son huile essentielle, un liquide limpide légèrement jauni obtenu par distillation à la vapeur d’eau des fruits écrasés et broyés. Largement utilisé en parfumerie, l’absolu de cardamome possède un parfum très fort à employer avec parcimonie. Vive et effervescente, la cardamome apporte une fraîcheur subtile et lumineuse, légèrement camphrée, avec une pointe de poivre et de citron. Généralement utilisée dans les eaux fraîches masculines et les parfums boisés et chyprés, la cardamome donne une essence à l’odeur épicée, aromatique, anisée et même légèrement aldéhydée. Elle évolue ensuite vers des accents plus enveloppants, suaves et gourmands. Une épice véritablement charmeuse aux multiples registres de séduction.
Le soleil se cache peu à peu, nous devons prendre la route du retour, mais avant nos hôtes tiennent à nous offrir le traditionnel thé agrémenté de fruits et d’épicés gâteaux locaux. Le père de Mr Jayasinghe nous rejoint pour honorer notre présence. Autrefois propriétaire de ces lieux, sa présence nous bouleverse. Homme âgé au regard doux et sensible, il me semble y lire un amour immense conjugué à une souffrance tout aussi profonde. Vieillard aux mains calleuses, les doigts crochus par les rhumatismes, une ébauche de sourire éclaire de temps en temps son visage sillonné de rides profondes, comme si à l’écoute des mots de son fils, des temps anciens et heureux refaisaient soudain surface.
Notre première escale sri lankaise prend fin avec déjà de beaux souvenirs de rencontres et de découvertes. Mais surtout la mémoire ancrée de cette odeur de cardamome, vive et pétillante, qui s’associera désormais aux sourires des personnes rencontrées ce jour là, sur une colline d’altitude aux environs de Kandy. Demain nous reprenons la route en direction de Nuwara Eliya au coeur de la région montagneuse.
CARNET D’ADRESSES
Où dormir à Kandy:
Kandy Samadhi Center, Nature Resort
Morahalla Estate, Narampanawa, Kukuloya road – Kandy
Tel: +94 81 4470925 / +94 81 4476117
Au bout d’un long et interminable chemin, qui pourrait en décourager plus d’un, se trouve cet ecolodge de charme reconverti en centre ayurvédique. Treize pavillons répartis sur les flancs d’une colline boisée vous accueillent pour un séjour coupé du monde où règne la nature. L’endroit se veut paisible avec pour seules nuisances le chant des oiseaux, le bruit des singes sautant dans les arbres et les grenouilles aux abords de la rivière qui coassent de plaisir. À partir de 30 euros la nuit.
Pour en savoir plus: cliquez ici pour découvrir mon article sur le Kandy Samadhi Center publié sur Carnets de Traverse.
Se déplacer au Sri Lanka:
Contacter Susil (guide/chauffeur) au +94 77 7441959
Originaire du sud du Sri Lanka, Susil est amoureux de son pays et ça se sent! Généreux et digne de confiance, il vous fera visiter les régions les plus reculées avec un sens du service irréprochable.
île merveilleuse, j’y retournerai avec Gaspard
superbe article : il m’a semblé que j’y étais encore
continue, j’adore!
Merci Lyne pour ton gentil message, je vous accompagnerais bien volontiers, c’est un pays qu’on ne se lasse pas de visiter. Je suis en tout cas ravie que tu te sois retrouvée dans cet article.